Fantôme utile
avec Mai Davika Hoorne, Witsarut Himmarat, Apasiri Nitibhon
Thaïlande - 2025 - 2H10 - VOSTF
Après la mort tragique de Nat, victime de pollution à la poussière, March sombre dans le deuil. Mais son quotidien bascule lorsqu'il découvre que l'esprit de sa femme s'est réincarné dans un aspirateur. Bien qu'absurde, leur lien renaît, plus fort que jamais — mais loin de faire l'unanimité. Sa famille, déjà hantée par un ancien accident d'ouvrier, rejette cette relation surnaturelle. Tentant de les convaincre de leur amour, Nat se propose de nettoyer l'usine pour prouver qu'elle est un fantôme utile, quitte à faire le ménage parmi les âmes errantes...
« Le cinéma n’a évidemment pas attendu le premier long métrage de Ratchapoom Boonbunchachoke pour répondre à la question existentielle et rhétorique d’Alphonse (de Lamartine) : « Objets inanimés, avez-vous donc une âme / Qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ? ». C’est donc dans le sillage des films séminaux de Segundo de Chomon et pas si loin des plus récents Rubber de Quentin Dupieux ou Yves de Benoit Forgeard, que le cinéaste thaïlandais s’attache dans un premier temps à livrer une vision animiste du monde. Son originalité est de convoquer les ressources inépuisables du film de fantômes et de proposer d’abord une fable sentimentale qui, sur fond d’alerte écologique, joue avec une vraie drôlerie de son potentiel comique. Tout est donc affaire de possession lorsque l’âme des victimes de la pollution s’empare des objets liés à la tragédie qu’ils ont vécue. C’est ainsi, parmi d’autres cas, que la belle Nat, logiquement devenue aspirateur, va chercher, après sa mort, à continuer à vivre sa passion pour March. Alors que le premier segment du film traite à sa façon des difficultés du couple mixte pour en explorer les virtualités, succède à une intrigue qui dépoussière Mme Muir – comment vivre sa passion avec l’aimé.e que l’on est seul à voir ? – une version ectoplasmique de Devine qui vient dîner qui fustige la rigidité d’une société thaï refusant toute hybridation. Contre toute attente, le scénario a la bonne idée de ne pas s’arrêter aux conflits (électro)ménagers à la Dartyhausen. Car un autre film, foisonnant, nihiliste et violemment politique commence dès que les revenants collabos aident les humains révisionnistes à se débarrasser des encombrants. La scission, dès lors, s’opère selon d’autres critères. Et la lutte pour le souvenir devient l’enjeu du film qui bascule sans crier gare dans un fantastique horrifique et nihiliste où les sacrifiés de l’histoire récente de la Thaïlande (des manifestations de 2010 en particulier) semblent enfin demander des comptes. » Les Cahiers du cinéma
