Beyrouth Fantôme

de Salhab Ghassan

avec Darina Al Joundi, Aouni Kawas, Carole Abboud, Rabih Mroué, Hamza Nasrallah

Liban - 1999 - 2H00 - VOSTF

En version restaurée

Fin des années 80. Le conflit libanais semble s’éterniser. Après une longue absence, Khalil ressurgit à Beyrouth. Il y a plus de dix ans, lors d’un combat, profitant de la confusion, il s’était fait passer pour mort et avait disparu sous une fausse identité… Mais Beyrouth est une petite ville. Ils sont de plus en plus nombreux à le reconnaître.

« Loin de toute tentation d’oubli, le superbe Beyrouth fantôme préfère raviver les plaies de la guerre du Liban. Près de dix-sept ans de guerre civile (de 1975 à 1991), de menaces quotidiennes, ont transformé la psyché de Beyrouth en fantôme. Hors de question pour Ghassan Salhab de jouer aux innocents les mains pleines. Beyrouth fantôme plonge où nul au Liban n’avait osé encore remettre les pieds : dans ce marécage confus, blessé et parfois nauséabond d’une guerre longue, interminable, interminée, qu’aucun Libanais n’estime réellement achevée. Une façon cinématographique d’ausculter ce que l’on nomme plus généralement la « confusion libanaise ». Son Beyrouth fantôme revient donc sur ce que le Liban avait préféré effacer de sa mémoire. Question de survie. Mais il a l’intelligence de le faire sans porter de jugement moralisateur, sans ériger de martyrs. Le faire juste au travers d’un corps paumé et presque drôle, celui d’un type en perte d’espace et de reconnaissance, continuellement absent et muet comme une tombe : un type qui a disparu dix ans, un militant de gauche que sa sœur et ses amis tenaient pour mort, glorieux combattant, martyr de la cause, idole, et qui a le mauvais goût de réapparaître comme une fleur au crépuscule des années 80, au moment où la guerre a fini par user les patiences comme les idéologies. Retour décalé, retrouvailles coincées. C’est la scène la plus symbolique du film que celle de ce retour « à la manque » : alors qu’une de ces nombreuses coupures d’électricité qui saisissent la ville à tout moment vient de bloquer l’ascenseur entre l’étage des morts et celui des vivants, Khalil est là, aussi raide qu’à son habitude, essayant de s’extirper de cet entre-deux pour retrouver sa place parmi les siens. Les Inrockuptibles 1998