Bushman

de David Schickele

avec Paul Eyam Nzie Okpokam, Elaine Featherstone, Jack Nance

USA - 2024 - 1H15 - VOSTF

En 1968, Martin Luther King est assassiné et la guerre du Biafra entraîne une terrible famine. Gabriel a fui le Nigéria et vit à San Francisco, au contact de la communauté afro-américaine comme des milieux bohèmes blancs. Dans ces États-Unis très agités des sixties, sa vie d'exil est jalonnée de rencontres, d'escapades et d'errances, mais il reste habité de souvenirs et de la nostalgie du village de son enfance. Bientôt, son visa arrive à expiration...

« Après Nothing but a Man de Michael Roemer, (re)découvert l’an dernier, voici une autre pièce maîtresse du cinéma afro-américain qui resurgit des limbes, Bushman, tourné en 1968 par David Schickele et demeuré très longtemps inédit, y compris aux USA, malgré un prix remporté en 1971 au festival de Chicago. Sur une ligne de crête entre documentaire et fiction, sans jamais qu’on sache clairement ce qui relève de l’un ou de l’autre, Bushman met en scène Paul Eyam Nzie Okpokam, un Nigérian exilé en Californie pour cause de guerre civile. Les deux hommes s’étaient rencontrés quelques années au Nigéria, où Schickele avait séjourné en tant que membre du Peace Corps (une force d’intervention pacifique indépendante du gouvernement américain) pour échapper à la conscription au Vietnam. Ensemble, les deux hommes avaient déjà collaboré sur un documentaire anti-colonialiste, tourné au Nigeria, Give Me a Riddle (1966). Film purement déambulatoire, Bushman suit l’errance de son personnage dans une Californie où il fait de multiples rencontres. Pas de narration bouclée ici, bien au contraire, mais une série de dialogues plus ou moins picaresques qui mettent en lumière le profond décalage entre l’exilé nigérian et la communauté noire américaine. En effet, le film de David Schickele met en lumière un sujet rarement traité : les fantasmes des Afro-Américains sur l’Afrique, considéré davantage comme un continent mythique que comme un territoire réel. Même les militants les plus chevronnés – par exemple ceux des Black Panthers – peinent à réaliser que la guerre civile au Nigéria n’est pas un conflit lointain entre tribus obscures. Avec un certain sens de l’ironie ou de la satire, Schickele jette un pont entre l’Afrique et l’Amérique pour mieux constater le fossé abyssal qui sépare les deux continents. Paul Eyam Nzie Okpokam apparaît ainsi comme le révélateur d’un fossé culturel impossible à combler. » Les Inrocks