Je, tu, il, elle
avec Chantal Akerman, Niels Arestrup, Claire Wauthion
France - 1975 - 1H27 - VF
Je : une jeune femme seule chez elle, déplace ses meubles, finit par les pousser contre les murs et par s’allonger par terre. Tu : en mangeant du sucre à la petite cuillère, elle écrit des lettres. Les jours passent, les pages s’accumulent. Il : après plusieurs semaines passées à déchirer et à recommencer ces lettres, elle sort le soir et rencontre un camionneur qui parle de lui, du désir, de son rapport aux femmes. Elle : en pleine nuit, la jeune fille va chez une amie qui la repousse d’abord, puis partage avec elle son repas et son lit. Au petit matin, la jeune fille part sans un mot.
Chantal Akerman nait à Bruxelles le 6 juin 1950. À 15 ans, elle découvre par hasard Pierrot le Fou de Jean-Luc Godard qui lui donne l’envie de faire du cinéma. Elle entre à l’INSAS en 1967 qu’elle quitte aussitôt, rejetant le cadre rigide de l’école et réalise l’année suivante son premier court-métrage, Saute ma ville, première expression d’un cinéma libre et radical. Akerman s’installe à New York en 1973 où elle découvre le cinéma expérimental de Jonas Mekas, Michael Snow et de Stan Brakhage qui influence les films qu’elle tourne sur place : La Chambre ou Hôtel Monterey. À son retour en Belgique, elle réalise Je, tu, il, elle puis réunit les financements nécessaires, grâce au concours de son actrice Delphine Seyrig, pour produire Jeanne Dielman, 23, Quai du Commerce, 1080 Bruxelles (1975). Ce quasi huis-clos suivant le quotidien d’une femme au foyer est considéré comme une des œuvres les plus influentes de la modernité cinématographique et pièce essentielle d’un cinéma féministe. Le film la propulse à 25 ans parmi les francs-tireurs de sa génération avec Rainer Werner Fassbinder et Philippe Garrel. Artiste infatigable, Akerman trace sa route librement en explosant les frontières narratives et géographiques pour vagabonder entre les genres, avec comme constante la mélancolie, le trauma personnel ou l’angoisse du monde contemporain. Elle touche ainsi au road-movie (Les rendez-vous d’Anna, 1977), au film choral (Toute une nuit, 1982), à la comédie musicale (Golden Eighties, 1986) ou à l’adaptation littéraire (La Captive, 2000). Son oeuvre documentaire navigue dans le monde entier, allant des États-Unis (Sud et De l’autre côté, 1999 et 2002) à l’Europe (D’Est, 1993) jusqu’en Israël (Là-bas, 2006) et creuse une veine intimiste (de News from Home en 1977 jusqu’à son dernier film No Home Movie). Chantal Akerman met fin à ses jours en 2015. Elle demeure une influence inestimable pour des cinéastes tels que Gus Van Sant, Tsai Ming-Liang, Claire Denis, Todd Haynes, Kelly Reichardt ou Apichatpong Weerasethakul.