Septembre sans attendre
avec Itsaso Arana, Vito Sanz
Espagne - 2024 - 1H54 - VOSTF
Après 15 ans de vie commune, Ale et Alex ont une idée un peu folle : organiser une fête pour célébrer leur séparation. Si cette annonce laisse leurs proches perplexes, le couple semble certain de sa décision. Mais l’est-il vraiment ?
« C’est sous la chaleur madrilène de l’été que les personnages incarné·es par Itsaso Arana et Vito Sanz s’aimaient pour la première fois sous nos yeux dans Eva en août (2020). Quelques années plus tard, dans Venez voir (2023), on les retrouvait à l’hiver puis au printemps, en couple, installé·es, confronté·es aux inquiétudes existentielles de la vie et d’un monde post-Covid. Aujourd’hui, et après quinze ans de vie commune, les voilà qui se séparent dans Septembre sans attendre et décident, plutôt que d’enterrer leur amour dans les remords et les regrets, d’organiser une fête pour le célébrer. Trois contes pour quatre saisons et un dernier volet inscrit dans les clous de la comédie de remariage – avec une Itsaso Arana plus Katharine Hepburn que jamais – genre de prédilection de Stanley Cavell, dont le nom et les pensées ont toujours irrigué le cinéma de Trueba. “Le cinéma nous rend-il meilleur ?”, se demande l’un de ses célèbres ouvrages. Septembre sans attendre pourrait en être une affirmation. La raison d’être du film conflue vers cette idée, puisque le scénario choisit la relativisation des choses et une hauteur de vue pour deux personnages tout décidé·es à épouser cette attitude noble, et conscients que consentir à une recherche de bonheur un peu vaine, serait difficile à tenir. C’est aussi dans son dispositif, celui qui consiste à intégrer dans le quotidien d’Ale et Alex, les images du film qu’elle réalise, et dont il occupe le rôle principal, que Septembre sans attendre embrasse cette pensée. Jouant sur l’indécision entre les deux réalités, celle de la vie et celle du tournage, le film ne cesse de brouiller les repères sur la conduite de son récit, dont on ne sait plus s’il avance où s’il ne cesse de se répéter. Dans certaines scènes, on suit Ale en salle de montage, alors qu’elle décide avec son monteur de l’agencement de son film encore en germe. Elle se trompe, essaye, trouve parfois. En dévoilant ainsi les dessous de l’artifice – principe déjà à l’œuvre dans Qui à part nous, documentaire fleuve sur des ados – quelque chose d’un éloge de la tentative, de l’essai apparaît dans cette répétition du geste, comme une manière de conserver une certaine beauté de l’inachevé, de l’ordinaire dans un film d’une ampleur, d’une souplesse de progression et d’une vivacité impressionnante. “Le meilleur” là-dedans reste alors sans doute la manière dont Trueba, aidé par sa croyance selon laquelle il n’existe nulle frontière entre vie et cinéma, charge la trivialité du quotidien de ses deux ancien·nes amoureux·ses d’une profonde mélancolie. Avec Septembre sans attendre, le cinéaste espagnol parfait sa logique de la soustraction (filmer la solitude d’Eva en août pour mieux filmer le groupe, l’amitié de Venez voir pour mieux en cerner les fractures) et n’aura jamais mieux enregistré la complicité amoureuse à l’aube de sa fin. » Les Inrocks